I
Le couple grotesque
II Le comique, outil de la satire
III La dispute impossible ou l'expression de l'interrogation métaphysique
Introduction
A une époque où la société s'interroge
sur le contenu de sa croyance, Molière écrit, à la suite
du Tartufe, interdit deux ans plus tôt, une autre de ses comédies,
qu'on qualifie de "sérieuse ", Dom Juan, pièce dont
les enjeux métaphysiques ont presque éclipsé l'intérêt
comique au point qui s'en fait parfois de peur qu'on ne la qualifie de tragédie.
Dans l'extrait de l'acte III, scène 1 qui nous occupe, nous retrouvons
Dom Juan et Sgarnarelle dans la forêt où les a conduit leur fuite.
En effet, à l'acte I de la comédie, le libertin Dom Juan, s'est
vu menacé par le valet d'Elvire, femme qu'il a enlevé du couvent
et abandonné après avoir obtenu ses faveurs. Après avoir
échappé à un naufrage à l'acte II, ils ont dû
quitter le village où Dom Juan avait été recueilli et où
il a semé le désordre entre deux paysannes.
Ce début de la scène 1 de l'acte III met en évidence la
relation très particulière qu'entretiennent Dom Juan et son valet
Sgarnarelle qui paraît le suivre comme son ombre ou peut-être son
double. Cette scène de registre comique n'en ouvre pas moins sur la véritable
satire de la médecine qui est une des bêtes noires de Molière.
Il reste que derrière le rire, cette scène est également
l'occasion de mettre à jour une des questions fondamentales de la pièce
: celle de la foi et de l'inquiétude sceptique avec laquelle Dom Juan
la voit.
Ainsi, nous verrons de quelle manière la scène met en jeu le double
grotesque que forme Dom Juan et Sgarnarelle avant de nous intéresser
au comique. Enfin, on s'interrogera sur cette entreprise impossible de dispute
dans laquelle s'engage Sgarnarelle et qui ouvre la brèche à l'expression
d'une inquiétude métaphysique.
I Le couple grotesque
1) Le dialogue du maître et du valet
Il y une prise de parole
équilibrée, un dialogue.
De plus le registre de langue est le même à certains égards
et le dialogue ne comporte pas de distorsions (= décalage). Cependant,
on retrouve l'identité de Sgarnarelle : " Moi ?
.. "
En outre, il y a un dialogue car le "je " est utilisé par Sgarnarelle
et le "tu " est utilisé par Dom Juan.
2) Inversion des rôles
Sgarnarelle est habillé
en médecin. Or l'habit influe sur l'art de la parole et particulièrement
l'art de la persuasion de la parole mais il n'y a pas tout à fait une
ressemblance entre un médecin et lui-même. En effet, Sgarnarelle
parle de la médecine comme un domaine général et le contenu
du discours n'est pas à la hauteur de l'habit. Ce discours porte sur
la croyance "vous êtes aussi impie en médecine" et non
sur le savoir. L'impiété fait basculer la scène. Puis Sgarnarelle
continue de parler en utilisant un discours vague(l. 69 à 71). Ici, si
on fait le détail, c'est le discours du chrétien moyen, qui va
à l'église etc
On est loin discours théologique.
Sgarnarelle est ridiculisé par la pauvreté de ses arguments. C'est
le double grotesque.
Dom Juan
.
3) Le couple grotesque
La problématique
repose sur la vanité de Sgarnarelle, l'égal de Dom Juan car il
est habillé en médecin. Cependant, il parle de la médecine
et de la théologie ce qui est plutôt inconciliable.
La vanité de Sgarnarelle est l'écho de celle de Dom Juan. En effet,
en interdisant les remontrances, Dom Juan maintien le déséquilibre
(en ce qui concerne la théologie)
D'où ce principe du couple grotesque qui a pour conséquence la
comédie.
II Le comique, outil de la satire
1) Les éléments du comique dans la scène
La scène possède
les trois comiques :
- comique de situation : déguisement
- comique de geste : Sgarnarelle doit faire bouger comme Arlequin
- comique verbal : Sgarnarelle et Dom Juan...
2) Par quels moyens la scène est-elle comique ?
Malgré le dialogue équilibré, il y a quand même un décalage subtil dans le discours : Dom Juan est ironique alors que Sgarnarelle est de bonne foi surtout sur l'histoire du mort (où Sgarnarelle joue sur le suspense et de ce fait, Sgarnarelle "gonfle " d'importance.
3) Modalité qui permet cette scène comique d'être une satire
Le texte est une critique de la médecine (de la ligne 29 à la ligne 36) explicite mais cette critique est attribuée à l'art médical et non aux médecins. Cette satire amène le sujet à une interrogation théologique.
III La dispute impossible ou l'expression
de l'interrogation métaphysique
1) le lexique de la croyance / incroyance
On a le lexique de la croyance
et de l'incroyance : " croire ", "miracle ". Ce dernier
terme permet de passer de la satire à la croyance.
Sgarnarelle veut convertir Dom Juan mais il n'a que des bases populaires sur
la religion : "
"
La dispute, autorisée par Dom Juan devient impossible car la question
théologique est indémontrable.
2) La dispute impossible
Dom Juan refuse la dispute car il est presque silencieux. Donc la communication est impossible. De plus son silence montre qu'il croit en Dieu mais il n'ose pas l'avouer ce qui évoque un scepticisme.
Conclusion
C'est une scène très riche parce qu'à la
fois, elle met en scène le couple Dom Juan/ Sgarnarelle et met en évidence
la singularité des rapports. Tout en restant une scène comique,
elle ouvre la porte à des interrogations plus graves. Au-delà
de la satire de la médecine, c'est l'inquiétude métaphysique
de dom Juan que le public aperçoit. Inquiétude qui est le véritable
enjeu de la scène, même de la pièce entière.